
Se sentir impuissant face à la dégradation des parcs de Montréal n’est pas une fatalité.
- L’impact réel d’un citoyen va bien au-delà du simple nettoyage ponctuel.
- Chaque personne possède des leviers d’action puissants et souvent méconnus pour protéger et améliorer ces précieux espaces.
Recommandation : Devenez un gardien éclairé en comprenant l’écosystème de votre parc et en apprenant à utiliser les bons canaux pour agir efficacement.
On connaît tous ce sentiment. Celui de la joie simple d’une promenade dans un parc montréalais baigné de soleil, le plaisir d’un pique-nique au pied du Mont-Royal, ou la quiétude d’un banc face à un jardin fleuri. Montréal, avec ses quelque 1 495 parcs répartis sur plus de 6 400 hectares, est une ville où la nature s’invite au cœur de l’urbain. Pourtant, ce sentiment de bien-être est souvent teinté d’une pointe d’amertume : un déchet qui traîne, une installation vandalisée, un coin de verdure qui semble à l’abandon. Face à cela, l’impuissance nous gagne.
Beaucoup pensent que pour aider, il faut se contenter de ramasser ses déchets ou de participer à une corvée annuelle. Ces gestes sont essentiels, mais ils ne sont que la partie visible de l’iceberg. Se contenter de ces actions, c’est rester un simple utilisateur, bien intentionné certes, mais passif. Et si la véritable clé n’était pas seulement d’agir, mais d’agir de manière éclairée ? Si la solution était de passer du statut d’utilisateur à celui de véritable gardien de nos parcs ?
Cet article n’est pas une simple liste de bonnes actions. C’est un guide pour transformer votre regard et votre impact. Nous allons explorer ensemble les menaces silencieuses qui pèsent sur nos espaces verts, découvrir la puissance des différents leviers citoyens à votre disposition — bien au-delà de la pince à déchets — et comprendre comment, même avec peu de temps, vous pouvez devenir une force de changement concrète et écoutée. Préparez-vous à ne plus jamais voir votre parc de la même façon.
Pour vous guider dans cette transition de spectateur à acteur, cet article détaille les étapes et les connaissances clés qui feront de vous un allié indispensable pour les poumons verts de notre ville. Le sommaire ci-dessous vous donnera un aperçu des leviers que nous allons explorer.
Sommaire : Devenez le gardien que votre parc attend
- Le combat silencieux : les 3 menaces qui pèsent sur le Mont-Royal et que vous ignorez
- Une journée pour votre parc : le guide pratique pour rejoindre une corvée de nettoyage citoyenne
- L’erreur que tout le monde fait en nourrissant les écureuils (et pourquoi c’est un problème)
- Vous n’avez pas le temps mais vous avez des compétences ? Le bénévolat que les assos s’arrachent
- Votre signalement sera traité : la méthode pour contacter les bons services municipaux et être écouté
- Ne laissez que des empreintes de pas : le code de conduite du visiteur dans les parcs de Montréal
- Montréal, ville-ferme : à la découverte des projets d’agriculture urbaine les plus innovants
- Ne soyez plus spectateur : comment devenir une force de changement dans votre quartier
Le combat silencieux : les 3 menaces qui pèsent sur le Mont-Royal et que vous ignorez
Le Mont-Royal est plus qu’un parc ; c’est le cœur symbolique et écologique de Montréal. Mais derrière la carte postale se joue une bataille quotidienne pour sa préservation. Pour devenir un gardien éclairé, il faut d’abord comprendre contre quoi on se bat. Au-delà des déchets visibles, trois menaces insidieuses pèsent sur cet écosystème fragile.
La première est biologique : la prolifération des espèces exotiques envahissantes. Des plantes comme le nerprun ou la renouée du Japon étouffent la flore indigène, réduisant la biodiversité et l’habitat des animaux. La deuxième menace est mécanique : la surfréquentation et l’érosion des sols. Chaque pas en dehors d’un sentier balisé compacte la terre, empêche l’eau de s’infiltrer et expose les racines des arbres, les affaiblissant sur le long terme. Ce piétinement répété crée des « sentiers sociaux » qui fragmentent les habitats et accélèrent l’érosion.
Enfin, la troisième menace est chimique. L’utilisation intensive des sels de voirie en hiver contamine les sols et les cours d’eau du parc, affectant la santé des arbres et de la faune. Comme le souligne le plan de conservation, même si le Mont-Royal abrite plus de 700 espèces de plantes et 200 espèces d’oiseaux et mammifères, plusieurs d’entre elles sont déjà en situation précaire. Ces menaces, bien que moins spectaculaires qu’un dépotoir sauvage, ont un impact systémique dévastateur. Les comprendre est le premier pas pour adapter nos comportements et nos actions de protection.
Une journée pour votre parc : le guide pratique pour rejoindre une corvée de nettoyage citoyenne
L’action la plus visible et la plus gratifiante pour un citoyen est sans doute de participer à une corvée de propreté. C’est un geste concret, immédiat, qui transforme visiblement un lieu en quelques heures. À Montréal, ce mouvement est incroyablement populaire, rassemblant chaque année des dizaines de milliers de personnes unies par le désir de redonner un coup d’éclat à leur quartier.
Rejoindre ou organiser une corvée est plus simple qu’il n’y paraît. Les arrondissements et les éco-quartiers sont vos meilleurs alliés. Ils ne se contentent pas d’encourager ces initiatives ; ils les soutiennent activement en fournissant gratuitement tout le matériel nécessaire : gants, sacs, pinces, râteaux, et même des trousses de mobilisation pour vous aider à recruter vos voisins.
Le parcours pour devenir l’organisateur d’une journée propreté est bien balisé :
- Vérifiez l’existant : Avant de lancer votre propre événement, consultez le site de votre arrondissement ou contactez votre éco-quartier. Une corvée est peut-être déjà prévue près de chez vous.
- Contactez votre éco-quartier : C’est le point de contact principal pour obtenir le matériel et des conseils logistiques.
- Mobilisez votre communauté : Utilisez les groupes Facebook de quartier, le porte-à-porte ou de simples affiches pour rallier vos voisins à votre cause.
- Inscrivez votre corvée : En l’enregistrant sur la plateforme de la Ville de Montréal, vous bénéficiez d’un soutien accru et d’une meilleure visibilité.
- Célébrez et partagez : Prenez des photos « avant/après » et partagez-les. Votre succès est la meilleure inspiration pour que d’autres emboîtent le pas !
Une corvée n’est pas seulement une opération de nettoyage. C’est un puissant moment de cohésion sociale, une occasion de rencontrer ses voisins et de renforcer le sentiment d’appartenance au quartier. C’est l’un des premiers et des plus puissants leviers citoyens à votre portée.
L’erreur que tout le monde fait en nourrissant les écureuils (et pourquoi c’est un problème)
C’est une scène attendrissante, quasi iconique des parcs montréalais : un écureuil gris s’approche, curieux, et on lui tend une arachide ou un morceau de pain. Ce geste, que l’on croit bienveillant, est en réalité l’une des pires choses à faire pour la faune urbaine. Comprendre pourquoi est au cœur de la philosophie du gardien éclairé : l’intention ne suffit pas, seul l’impact compte.

Nourrir les animaux sauvages, même les plus habitués à l’homme, a un impact systémique négatif sur l’équilibre du parc. Premièrement, cela crée une dépendance et modifie leur comportement naturel de recherche de nourriture. Ils perdent leur méfiance, ce qui les rend plus vulnérables aux prédateurs (comme les chiens sans laisse) et aux accidents. Deuxièmement, la nourriture que nous leur donnons est souvent inadaptée à leur régime alimentaire, pouvant causer des carences ou des maladies. Enfin, le nourrissage favorise des concentrations anormales d’animaux au même endroit, ce qui augmente drastiquement les risques de transmission de maladies et de parasites entre eux, et potentiellement à d’autres espèces.
Ces pratiques, considérées comme des usages nuisibles à l’environnement, affectent directement la santé des populations animales. La meilleure façon d’aimer la faune de nos parcs est de la respecter, c’est-à-dire de l’observer à distance et de la laisser vivre sa vie sauvage, même en plein cœur de la ville. Résister à la tentation de donner une gâterie est un acte de protection bien plus puissant qu’on ne l’imagine.
Vous n’avez pas le temps mais vous avez des compétences ? Le bénévolat que les assos s’arrachent
L’excuse la plus fréquente pour ne pas s’impliquer est le manque de temps. « J’aimerais bien, mais avec le travail, la famille… je ne peux pas m’engager pour une corvée le samedi matin. » C’est une réalité pour beaucoup. Mais la bonne nouvelle, c’est que la protection de nos parcs n’est pas qu’une affaire de bras et de pelles. Il existe une autre forme d’engagement, tout aussi cruciale : le bénévolat de compétences.
Les associations « Amis de » qui veillent sur nos parcs, comme les célèbres Amis de la Montagne, sont souvent de petites structures avec des besoins immenses. Leur force vive est le bénévolat, mais elles manquent cruellement de capital de compétences spécifiques. C’est là que vous pouvez avoir un impact considérable, souvent depuis chez vous et selon votre propre horaire. Votre expertise professionnelle est une ressource inestimable.
Vous êtes graphiste ? Proposez de créer une affiche pour leur prochain événement. Vous êtes comptable ? Offrez quelques heures pour les aider à préparer leur bilan annuel. Vous êtes un pro des réseaux sociaux, un avocat, un traducteur, un développeur web, un rédacteur ? Toutes ces compétences sont recherchées. Un simple coup de main sur un communiqué de presse ou la mise à jour de leur site web peut leur faire économiser des centaines, voire des milliers de dollars, qu’ils pourront réinvestir directement dans leurs projets de terrain. Par exemple, les Amis de la Montagne bénéficient de plus de 3 000 heures de bénévolat par année, un apport colossal qui inclut une grande part de soutien spécialisé.
Votre signalement sera traité : la méthode pour contacter les bons services municipaux et être écouté
Voir un problème et ne rien faire est frustrant. Mais le signaler à la mauvaise personne l’est tout autant. L’un des leviers citoyens les plus puissants est le signalement, à condition de savoir l’utiliser stratégiquement. Appeler le 311 est un bon réflexe, mais ce n’est qu’une des portes d’entrée. Pour qu’un signalement soit réellement efficace, il faut comprendre qui fait quoi dans la grande machine municipale.
Un fait crucial, souvent méconnu, est que la vaste majorité des parcs ne sont pas gérés par la Ville-centre, mais par les arrondissements. Une étude du CRE-Montréal révèle que sur les quelques 1700 parcs et espaces publics de Montréal, plus de 1700 sont gérés directement par les 19 arrondissements. Cela signifie que pour des demandes d’amélioration (un banc à réparer, une nouvelle poubelle, une idée d’aménagement), votre interlocuteur le plus direct et le plus influent est souvent votre conseiller d’arrondissement. Un courriel bien documenté à son bureau peut avoir plus de poids qu’un simple ticket au 311.

Pour vous y retrouver, voici un guide de triage simple. Utiliser le bon canal, c’est s’assurer que votre demande arrive sur le bon bureau, sans se perdre dans les limbes administratifs. Être un gardien éclairé, c’est aussi savoir parler le langage de l’administration pour se faire entendre.
| Type de problème | Service à contacter | Méthode | Délai de réponse |
|---|---|---|---|
| Urgence (feu, danger imminent) | 911 | Téléphone | Immédiat |
| Non-urgent (déchets, graffiti, équipement brisé) | 311 | En ligne/Téléphone | 48-72h (création du ticket) |
| Suggestion d’amélioration de parc d’arrondissement | Conseiller d’arrondissement | Courriel/Conseil d’arrondissement | 1-2 semaines (réponse du bureau) |
| Problème dans un grand parc (Mont-Royal, La Fontaine) | Service des grands parcs (via 311 ou site web) | Formulaire web/311 | 5-10 jours ouvrables |
Ne laissez que des empreintes de pas : le code de conduite du visiteur dans les parcs de Montréal
Le principe « Sans Trace » (Leave No Trace), bien connu des randonneurs en pleine nature, est tout aussi pertinent dans nos parcs urbains. Il ne s’agit pas d’une liste de règles restrictives, mais d’un état d’esprit, d’un pacte de respect envers la nature et les autres usagers. Adopter ce code de conduite, c’est prendre conscience que chaque geste, même minime, a un impact dans un environnement partagé par des millions de personnes.
Au-delà du fameux « rapportez vos déchets », qui devrait être un automatisme, plusieurs principes clés s’appliquent à la réalité des parcs montréalais. Le premier est de rester sur les sentiers balisés. Comme nous l’avons vu, sortir des sentiers battus, même pour un raccourci, contribue à l’érosion et à la destruction d’habitats fragiles. C’est une marque de respect pour le travail des concepteurs du parc et pour la nature qui peine à s’y maintenir.
Le deuxième principe concerne nos compagnons à quatre pattes. Garder son chien en laisse (sauf dans les aires d’exercice canin désignées) n’est pas qu’une question de règlement. C’est essentiel pour ne pas déranger la faune sauvage (oiseaux nichant au sol, petits mammifères) et pour assurer la quiétude des autres visiteurs qui peuvent avoir peur des chiens. Enfin, un troisième point est la gestion du bruit. Un parc est un refuge pour beaucoup, un lieu de calme au milieu de l’agitation urbaine. Utiliser des écouteurs pour sa musique et garder un ton de voix modéré fait partie du respect mutuel qui permet à tous de profiter de l’espace. Ce code de conduite est la base de l’intendance urbaine : prendre soin du lieu comme s’il était le prolongement de notre propre jardin.
Montréal, ville-ferme : à la découverte des projets d’agriculture urbaine les plus innovants
L’implication citoyenne ne se limite pas à la protection de l’existant ; elle peut aussi être créatrice. Une des formes les plus inspirantes de cette intendance urbaine proactive est l’agriculture urbaine. À Montréal, des terrains vagues, des friches industrielles et même des toits se transforment en oasis de verdure productives, souvent grâce à l’initiative de résidents passionnés.
Ces projets vont bien au-delà de la simple production de légumes. Ils sont des lieux de rencontre, d’éducation environnementale et de renforcement des liens sociaux. Un exemple emblématique est le Champ des Possibles, dans le Mile End. Cet ancien triage ferroviaire a été sauvé de la promotion immobilière par la mobilisation citoyenne et est aujourd’hui un espace unique de biodiversité en plein cœur de la ville, cogéré par l’association Les Amis du Champ des Possibles et l’arrondissement.
Ce modèle de gouvernance partagée illustre parfaitement comment des citoyens peuvent prendre en main la destinée d’un lieu et le transformer en un bien commun. S’impliquer dans un jardin communautaire, un projet de ruelle verte ou une initiative d’agriculture sur toit, c’est participer activement à la renaturalisation de la ville et à la résilience alimentaire du quartier. Comme le souligne Espace pour la vie à propos de ces mouvements :
C’est un mouvement participatif auquel les communautés d’ici et d’ailleurs sont invitées à participer.
– Espace pour la vie
Ces initiatives prouvent que les citoyens ne sont pas seulement des gardiens, mais aussi des bâtisseurs d’espaces verts.
À retenir
- Les menaces sur les parcs sont souvent invisibles (érosion, espèces envahissantes) et demandent une vigilance qui va au-delà des déchets.
- Votre impact peut être physique (corvée), numérique (signalement stratégique) ou intellectuel (bénévolat de compétences).
- Connaître le bon interlocuteur (311, arrondissement, association) démultiplie l’efficacité de chacune de vos actions.
Ne soyez plus spectateur : comment devenir une force de changement dans votre quartier
Nous avons exploré les menaces, les outils et les différentes philosophies d’engagement. Il est clair maintenant que chaque citoyen détient une parcelle du pouvoir de protéger et d’améliorer nos parcs. Le passage de spectateur à acteur ne demande pas d’être un super-héros, mais d’être un gardien éclairé qui choisit le levier d’action le plus adapté à sa situation et à ses compétences. L’efficacité ne réside pas dans un seul grand geste, mais dans une multitude de petites actions informées et cohérentes.
L’union de ces forces individuelles crée un mouvement puissant, reconnu et soutenu par les instances publiques. La preuve ? Le gouvernement du Québec a accordé un financement de 223 100$ pour appuyer le Réseau des amis des parcs de Montréal, une reconnaissance concrète de l’impact de ces groupes citoyens. Comme le rappelait justement un article de La Presse, les succès en matière de verdissement sont souvent le fruit de cette collaboration :
L’administration a pu tenir ses promesses, notamment grâce à l’appui des Montréalais et Montréalaises qui lui ont soumis des opportunités dans les quartiers.
– La Presse, Les citoyens au cœur des exemples de réussite
Votre voix, votre temps et vos compétences ont de la valeur. Pour vous aider à structurer votre démarche, voici une feuille de route pour auditer et planifier votre propre engagement.
Votre plan d’action pour devenir un gardien de parc
- Points de contact : Listez les parcs que vous fréquentez et identifiez les acteurs clés : nom de l’arrondissement, du conseiller municipal, et des associations « Amis de » s’il en existe.
- Collecte d’informations : Lors de votre prochaine visite, agissez en observateur. Prenez des notes sur ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait être amélioré (propreté, équipement, signalisation).
- Cohérence avec vos valeurs : Qu’est-ce qui vous touche le plus ? La propreté, la protection de la faune, l’animation communautaire ? Choisissez un axe d’engagement qui vous passionne.
- Évaluation de vos ressources : Soyez honnête. De quoi disposez-vous ? Du temps le week-end (corvée) ? Des compétences spécifiques (bénévolat à distance) ? Juste assez de temps pour un signalement efficace (levier numérique) ?
- Plan d’intégration : Définissez votre toute première action. Ce sera peut-être d’envoyer un courriel à votre conseiller, de contacter une association, ou simplement de vous inscrire à une infolettre d’éco-quartier. Faites le premier pas.
Le parc de votre quartier a une histoire et un avenir. Il ne tient qu’à vous de commencer à écrire le prochain chapitre. Choisissez votre premier levier citoyen et agissez dès aujourd’hui. Votre parc a besoin de vous.